La transformation du secteur agricole demeure étroitement liée à la question du financement, longtemps identifié comme l’un des principaux freins au développement rural en Afrique et dans l'océan Indien. Dans ce contexte, l’essor des agri-fintech adossées à l’intelligence artificielle (IA) ouvre de nouvelles perspectives pour tester des modèles innovants de crédit agricole, mieux adaptés aux réalités des petits exploitants.
Selon les explications fournies, ces solutions technologiques émergent à un moment clé, alors que de nombreuses études soulignent l’urgence de moderniser les mécanismes de financement du monde rural. Selon le rapport « How AI can benefit smallholder farmers in Africa », publié par le Centre européen pour la gestion des politiques de développement (ECDPM), l’intelligence artificielle est déjà largement mobilisée dans la région dans des domaines variés. Elle est utilisée pour le diagnostic des maladies des cultures, l’alerte précoce face aux aléas climatiques, les services de conseil climato-intelligents, mais aussi pour des solutions agri-fintech facilitant l’accès au crédit. Le document met en évidence les premiers succès de ces outils en matière d’amélioration des rendements, d’optimisation de l’utilisation des ressources et d’inclusion financière.
Toutefois, l’ECDPM appelle à des politiques publiques plus ambitieuses, afin d’éviter que ces innovations ne bénéficient exclusivement aux grandes exploitations commerciales. Le défi est de taille : les petits exploitants agricoles produisent plus de 70 % de la nourriture consommée sur le continent et représentent la majorité de la main-d’œuvre agricole. Malgré ce rôle central, ils restent largement exclus des circuits de financement formels, faute de garanties classiques, d’historique bancaire ou de proximité avec les institutions financières. Pourtant, l’impact du crédit sur la productivité agricole est clairement établi. Des études montrent qu’un meilleur accès au financement permet aux agriculteurs d’investir dans les intrants, la mécanisation légère et l’accès aux marchés.
C’est précisément à ce niveau que l’intelligence artificielle joue un rôle de catalyseur. Le rapport de l’ECDPM souligne que l’IA transforme la manière dont les institutions financières évaluent le risque agricole, en exploitant des données satellitaires, climatiques, transactionnelles et mobiles. Cette approche permet de mieux comprendre les profils des exploitants et de proposer des produits financiers plus adaptés. Le modèle développé par Apollo Agriculture en est une illustration concrète. Selon la GSMA, l’entreprise utilise un moteur de scoring crédit basé sur l’IA, alimenté par des données collectées via applications mobiles, imagerie satellite et historiques de crédit lorsqu’ils existent. Apollo Agriculture a d’abord adopté une stratégie dite de « lend-to-learn », accordant volontairement des prêts à des profils variés afin de constituer une base de données solide pour entraîner ses algorithmes.
Soutenue par Swedfund depuis 2024, la société permet aujourd’hui à plus de 350 000 petits agriculteurs d’accéder à des intrants et à des conseils agricoles grâce à un réseau de plus de 1 000 distributeurs locaux. D’autres acteurs explorent des usages complémentaires de l’IA, notamment dans l’assurance agricole. L’insurtech Pula se positionne comme un intermédiaire entre assureurs et petits exploitants. Grâce à des modèles fondés sur la télédétection et les données de terrain, l’entreprise affirme avoir protégé 20,1 millions d’agriculteurs dans 22 pays, tout en versant 133,9 millions de dollars d’indemnisations. À terme, l’essor de l’agri-fintech dopée à l’IA pourrait ainsi constituer un levier majeur pour renforcer la résilience des agricultures africaines, à condition d’être accompagné par des politiques inclusives et des cadres réglementaires adaptés.
